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Transeparence
9 novembre 2010

Explication de texte.

 

                Maintenant que le ciel est plombé, qu’il pleut sans discontinuer, on peut, la tête froide, revenir avec lucidité sur nos émois de l’été : les superficiels bienfaits de la cuisine à l’huile d’olive, les sempiternels dangers de l’exposition au soleil sans protection adaptée, mais ce serait passer à côté du fait culturel révélateur, le traditionnel « tube de l’été » qui n’échappe pas à la « douche froide » de cet automne, pour emprunter l’expression de Mr. Guy Carlier et de sa fameuse chronique éponyme sur Europe 1.

Tout l’été donc, les radios ont passé en boucle un impératif d’enfant gâtée : «Je veux », petite formule convenue qui s’élève contre la toute aussi petite morale bourgeoise – du moins le prétend-elle. Dégringolent alors en cascade les interprétations fumeuses : ce serait une chanson anticonsumériste, un hymne à la décroissance, bref une poésie merveilleuse. Pourtant, dans le texte les choses apparaissent parfaitement dissonantes ; Zaz, personnage qu’on dit haut en couleur, néanmoins rehaussé des couleurs criardes de la génération bohème, veut, exige et croit pouvoir dédaigner ce qu’elle ne peut avoir. Profession de foi un peu facile !

 

Donnez-moi une suite au Ritz, je n'en veux pas ! 
Des bijoux de chez CHANEL, je n'en veux pas ! 
Donnez-moi une limousine, j'en ferais quoi ? papalapapapala 
Offrez moi du personnel, j'en ferais quoi ? 
Un manoir à Neufchatel, ce n'est pas pour moi. 
Offrez-moi la Tour Eiffel, j'en ferais quoi ? papalapapapala 

On peut certes trouver ces paroles infantiles charmantes, mais le second couplet condamne l’ingénue. Symptomatique d’une génération qui n’a pas eu le loisir de se rebeller au-delà de ce qu’on appelait encore, il y a une décennie,  « la crise d’adolescence » et qui mobilisait les rédactrices de journaux féminins, Mme Zaz est au centre du monde et refuse de se plier… à l’élémentaire politesse. Ce qu’elle prend naïvement pour un péjoratif, l’hypocrisie, est le fondement de notre cohésion sociale sans laquelle nous serions en conflit permanent. Elle prône des rapports barbares et, comble de l’infantilisme, croyant en sa toute puissance exige qu’on l’excuse.

 

J'en ai marre de vos bonnes manières, c'est trop pour moi ! 
Moi je mange avec les mains et j'suis comme ça ! 
J'parle fort et je suis franche, excusez moi ! 
Finie l'hypocrisie moi j'me casse de là ! 
J'en ai marre des langues de bois ! 
Regardez-moi, toute manière j'vous en veux pas et j'suis comme çaaaaaaa (j'suis comme çaaa) papalapapapala

                Nous serons indulgents malgré autant de candeur insolente, d’autant qu’elle n’en a strictement rien à foutre. Et, littéralement, elle n’est pas si abjecte que cela. « Excusez-moi » à l’impératif est ce qui reste dans un monde où il n’y aucun remord. Disparue, la tension entre le regret et le pardon ne nous permet plus de faire amende honorable. Le poète l’avait pourtant prédit :

 

Comme on peut en juger, je n’étais pas infirme pour me trouver des justifications de mauvaise foi. La vie devait m’enseigner qu’il ne s’agissait pas d’un comportement personnel, mais que le plus grand nombre de mes contemporains s’assurait la paix de l’esprit en se donnant l’absolution plénière pour des actes, des projets, des pensées les plus contestables, quelques dommages qu’ils aient pu causer à autrui. Au train où vont les choses, le mot « remords » n’a plus longtemps à figurer dans le vocabulaire français.

In Les confessions d’un enfant de la Chapelle d’Albert Simonin. 

 

 

 

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Commentaires
J
Fichtre et foutre ! Au début de la lecture de l'article je pensais que tu allais parler de René la taupe, l'autre tube de l'été :)
Transeparence
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