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Transeparence
29 août 2010

Do it Yourself !

6231328_2Le féminisme, le MLF étaient passés par là : elles refusaient de faire à manger, de se mettre dans cette position nourricière séculaire ; qu’à cela ne tienne, les hommes ont inventé le micro-onde, les surgelés ; grâce à eux ils ne sont pas morts de faim. Ils ont bravement résisté à la disette culinaire où les rares cuisinières qui faisaient de la résistance étaient les plus vieilles qui n’avaient pas compris la révolution des mœurs, c’était l’époque où l’émission Bon appétit bien sûr régnait sur le royaume du ringard. Maïté avait, comme encore aujourd’hui, une fonction comique avec son accent, son physique dodu et ses recettes sorties d’un temps que nous croyions ancien. Bien sûr, il y avait aussi les résistantes, les rétrogrades qui gardaient précieusement, dans un coin de leur cuisine, tâchées de gras les recettes détachables de Elle, ce journal scandaleusement traitre au genre. Pour appliquer une de ces recettes c’était le parcours du combattant : il fallait se cacher dans des cuisines conçues pour réchauffer des pizzas, trouver les ustensiles adéquats. Et puis, de toute façon, personne n’aimait plus ça.

Les experts étaient alors formels : c’était une tendance lourde qui ne fera que s’accélérer dans la société, bientôt les plus récalcitrantes au féminisme finiraient par succomber à l’appel du loisir hors de leur maudite cuisine. L’attribut de la femme n’étant plus le rouleau à pâtisserie, sa meilleure arme avec la spatule, il fallait désormais qu’elles se défendent sur les mêmes plates bandes des hommes alors munis de leur micro-onde et du salvateur décapsuleur à bière. On dit que la révolution de 1968 a fait des ravages de décadence : les femmes n’allaient plus chez le coiffeur, elles ne nourrissaient plus leur famille. Et pourtant ce qui était destiné à être une libération a échoué. A cause d’un confus regret dicté par les instincts féminins, la révolution a encore fait un tour complet et s’est mordue la queue, à l’aube du XXIème siècle l’engouement pour la cuisine est devenu à la mode : les plus touchées ? Les jeunes femmes nouvellement en ménage qui ne veulent pas répéter les erreurs de leurs mères quitte à endosser l’asservissement de leur grand-mère. Heureusement pour elles, le marketing rassure et draine des milliers d’autodidactes ayant hâte d’en découdre avec leurs nouveaux ustensiles : moules siliconés, plaques à induction et surtout le « plan de travail » qu’on croyait définitivement éradiqué du mobilier de cuisine. C’est chic, c’est design : pour elles, rien à voir avec un retour en arrière.

Cela aurait pu durer encore quelques décennies, on aurait continué à manger des plats surgelés, à raviver le souvenir si poétique du mijoté dans des restaurants français. Et c’est donc la « crise » (comme s’il y en avait eu qu’une) qui précipite la fin de la révolution, le retour, aboutissement (logique ?!) du tour complet. Les femmes armées de leur réflexes ataviques font de la résistance épaulées par les mass-médias: les rayons des librairies remplis de livres de cuisine aux couleurs acidulées, des émissions de télé : Un diner presque parfait, Top chefs…, des blogs et des sites de recettes de cuisine. Tout pour faire des verrines, des macarons et des cakes. Tout pour régaler la famille d’une cuisine actuelle rafraichissante et tellement salvatrice ; sans elle nous ne pourrions répondre à la question aussi lancinante qu’angoissante : comment occuper nos vacances et RTT ?  Pour nous combler, cuisine jeune, cuisine tendance : Mesdames, mesdemoiselles, retournez à vos fourneaux… enfin !

Avec un tel retournement, on ne peut pas s’empêcher de penser (si si, je vous promets c’est irrépressible !) que, plutôt que de faire la révolution pour se libérer de leur condition, les femmes auraient du changer de convictions ; ne plus tout sacrifier, sur un coup de tête, à la mode alors que celle-ci est aussi changeante qu’impitoyable. Il est désagréable de constater que l’asservissement aux tendances peut-être plus fort et plus profond que nos dilemmes culinaires ; sûrement parce qu’il est inconscient. Les femmes sont des girouettes ? Non, c’est la mode qui change, les femmes suivent immanquablement.

 

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