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Transeparence
6 septembre 2010

Les fiches de l’Education nationale

« Vous me remplirez une fiche avec : votre nom en caractères majuscules, prénom, date de naissance, adresse, numéro de téléphone des parents… »

Fiche_p

A partir d’aujourd’hui, et pendant une semaine, chaque professeur procèdera de même : c’est le rituel de la rentrée, demander leur état civil aux élèves afin de les connaître. Plutôt complaisant à cet atermoiement de la véritable étude, ces derniers se soumettent à l’exercice. Le nouveau pédagogue se révèle aussi dans ses maniaqueries : certains suggèrent que la fiche soit une demi-feuille tournée dans le sens du portrait, d’autres contribuent à ce fichage en distribuant des fiches de bristol parfois même de couleur différente selon les années (mais toujours payées avec leurs propres deniers). Jusque-là, les élèves, la tête rentrée dans les épaules, s’appliquant à retrouver la souplesse de leur poignet pour écrire de manière la plus lisible possible, ne se posent pas de question, ils remplissent machinalement : on change rarement de nom, de prénom et encore moins de date de naissance, quant à l’adresse, sauf pour les fils et filles de militaires ou de diplomates, elle reste plus ou moins la même. Les choses se corsent lorsqu’au gré de son inspiration perverse le professeur pose d’autres questions, cette fois plus personnelles :

 

« …vous me préciserez ensuite la profession du père et de la mère, s’ils sont divorcés, séparés, le nombre de frères et sœurs, leur âge et leur niveau d’étude, enfin vous me direz quels sont vos loisirs (question subsidiaire très embarrassante pour l’élève qui n’a pas du tout envie de parler de lui) ».

Bien que ces questions soient posées sur le même ton, avec le même naturel blasé/décontracté puisque le professeur utilise invariablement le même protocole d’une année sur l’autre, elles ne sont pas moins ambigües pour l’élève qui doit parler de la vie privée de ses parents. Lorsqu’on franchit les portes de l’école/ collège/ lycée, tous affublé du même sac, accablé par les mêmes exigences, on peine à croire que les discriminations soient fondées sur la vie privée. Ce n’est pas un hasard si les déclarations d’impôts arrivent chez le contribuable emballées dans un bleu nuit opaque protégeant leur confidentialité. L’extorsion sournoise d’informations à des enfants ou des adolescents, qui ne sont pas en mesure de les refuser, constitue un abus de faiblesse et une atteinte à la vie privée. La lâcheté de ces professeurs, quelque fois des écoles, d’autres des collèges et des lycées est d’autant plus malsaine qu’ils n’ont pas besoin de ces renseignements pour enseigner. Dans le creuset de l’éducation nationale, le statut socio-professionnel, la situation matrimoniale des parents n’est pas un indicateur, à moins que les professeurs, eux-mêmes, bien que pourfendeurs des inégalités sociales, regrettant l’ascenseur social, par dépit ou par bêtise, se jettent dans l’engrenage du déterminisme et de la reproduction sociale.

Nul ne sait ce qui se passe dans la tête de ces assistants sociaux sans objet, et nous-mêmes nous ne savons pas ce que deviennent les fiches qui alimentent, année après année, la banque de données de ces hommes et femmes mandatés par l’Etat.

 

En URSS, les parents ne se plaignaient pas du régime soviétique devant leurs enfants de peur que ceux-ci les dénoncent à l’école. Aujourd’hui, en France, si les professeurs n’ont pas de mobile politique (ce qui est, par ailleurs, tout à fait envisageable), n’ont-ils qu’une curiosité malsaine, ou simplement une vocation de statisticiens refoulée?  

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