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Transeparence
8 octobre 2010

Défense - La portée créatrice de R. Hobb (I)

 

  Comme tout futur best-seller, généralement étranger, souvent anglo-saxon, celui-ci ne déroge pas à la règle, le 1er tome de la nouvelle saga de Robin Hobb : Dragons et Serpents, Les cités des Anciens est annoncé par une grande campagne publicitaire.

P9200107

 

 

 

 

 

N’étant pas dans les arcanes de Pygmalion, l’éditeur, j’ai été sinon étonnée, du moins vexée d’apprendre cette parution par le commun affichage du métro de Paris


Genre littéraire populaire, gardé du populisme par la barrière de la lecture, l’heroic fantasy, la fantasy, parfois dans une version française très approximative « le fantastique », a mauvaise réputation. Robin Hobb doublement en tant qu’écrivain à succès et chef de file contemporain. Sous lecture, sous culture, il est aussi infamant de lire un magazine féminin ou un livre de développement personnel. Pourtant le sujet est un inédit de la réalité : il ne prend pas pied dans la petite expérience quotidienne, banale, médiocre et sans intérêt de son auteur. La biographie ou, plus grave, l’invention à partir du substrat expérimental témoigne de l’atrophie du surmoi et, en compensation, de l’hypertrophie écrasante du moi. L’expérience personnelle rapportée sur le ton de la confidence accable les lecteurs jusqu’à les abrutir de particularismes idiots. C’est précisément ce travers narcissique de notre époque qu’évitent les ouvrages de pure fiction.

 

                La différence de Robin Hobb ne fait donc pas l’unanimité, son imagination est même, le plus souvent, méprisée. Dans une société où on pense l’individu comme un être rationnel, conforté par le prisme de l’Homo Economicus, un discours qui se détache du réel, ou plutôt de l’expérience individuelle telle qu’elle est vécue – il faut comprendre, « dans le sentimentalisme » - mène à une incompréhension hostile qui se traduit par le rejet manichéen de la spiritualité. En effet, dès lors que, selon le schéma admis, nous opposons, caricaturalement, le rationnel au spirituel, nous n’acceptons plus la pure création, qui ne prend appui que sur l’imagination : le potentiel artistique en tant qu’abstraction n’existe pas. Ce nihilisme nait donc de l’erreur originelle qui consiste à trouver le monde rationnel lorsqu’il est à la portée de la plus triviale des expériences.

 

Est-ce l’absence de religion qui conduit à un tel déni des choses de l’esprit ? Au rejet radical de l’expérience spirituelle ? R. Hobb ne semble pas placer le débat dans l’opposition simpliste du sacré et du rationnel. En revanche, toujours selon elle, il existe une spiritualité d’élection dans une dimension rationnelle, puisque plus cruelle que clémente : le merveilleux, étonnant extraordinaire, est exclu des Six Duchés, de Terrilville et du Désert des Pluies. On l’appelle l’ « Art », certainement une mise en abyme terrible, où les êtres, dont l’âme est façonnée par l’ascendance noble, peuvent entrer en communication de manière subtile et inaccessible pour le commun des mortels. Sans doute R. Hobb a-t-elle mis en exergue cette dimension, métaphore sociologique de la culture en tant qu’objet de pouvoir dont la transmission ne peut être faite que sur critère d’élection, dans un manifeste dissimulé : Retour au Pays opuscule que l’on aurait tort de négliger. Les dons artistiques sont décrits comme la clef de voute de la civilisation. Le corps social est tel que ce sont les personnes qui ont le courage de cultiver l’esthétique qui possèdent le pouvo ir et la raison. Cette dernière assure, par son pragmatisme et la morale solidaire la survie de tous.

Alors peut-être le rejet est-il d’autant plus implacable qu’il est provoqué par le raidissement de l’opinion autour de l’idée rassurante mais stérile et fausse de l’égalitarisme. Dans un monde où tout est vain, même (surtout !) la distinction, que faire sinon nous regarder le nombril et parler de soi. Le roman n’existe plus alors comment envisager, avec apaisement, la fiction, et même le vaste domaine de la création qui ne procède que de l’oubli de soi pour la naissance de l’art (l’ « Art » ?!?)

A suivre… 

 

Contrat Creative Commons
This création is licensed under a Creative Commons Paternité - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 2.0 France License.

 

 

 

 


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